Djibril Tamsir Niane, écrivain et historien guinéen. «Les Etats doivent s’organiser pour défendre le patrimoine culturel africain»
Nous poursuivons avec l'entretien que nous a accordé l’écrivain et historien Djibril Tamsir Niane, à l’occasion de son récent séjour à Niamey, dans le cadre de la célé-bration du 60ème anniversaire de la création de l’IRSH. Dans cette partie, l'homme de lettres nous parle d'un projet qu'il nourri avec son collègue Cheick Hamidou Kane, la génèse de la parenté à plaisanterie, le devoir impérieux qui incombe aux Etats africains à protéger leurs biens culturels...
Le Républicain : Vous êtes l’auteur de Soundjata ou l’épopée mandingue. Vous êtes actuellement sur un projet avec Cheikh Hamidou Kane. Que faut-il retenir ?
Djibril Tamsir Niane : Cheikh Hamidou Kane et moi avons en projet de faire une fresque historique qui fait la genèse de ce que nous avons appris, la charte de Kourkanfougna. Après la victoire, en 1235, un an plus tard Soundjata et ses compagnons se sont réunis en un lieu appelé Kourkanfougna, près de Kangaba, au Mali. Ça a été une grande assemblée où l’on a fait venir les représentants de tous les peuples pour essayer de bâtir quelque chose, de consolider la paix. Il a énoncé les principes généraux qui doivent présider aux relations entre langues, entre peuples, entre royaumes. Ce sont ces principes là qu’ils ont pu reconstituer en rassemblant des griots. Ce texte, nous l’avons appelé la charte de Kourkanfougna.
Quels en sont les grands axes ?
Ce qui est important à cette époque, en 1236, comme cela a été énoncé, l’homme doit être libre. C’est là, la première affirmation. La seconde affirmation, nous avons créé un empire, il faut une liberté de circulation des hommes dans cet espace là. C’est formidable qu’à cette époque, que l’on ait pensé à cela. Troisièmement, ils se sont dits si le déplacement est libre, la circulation est libre, il faut que les diplomates qui partent d’un point à un autre soient protégés aussi. Même si le diplomate porte une déclaration de guerre. C’est important que ceci ait été affirmé à cette époque là. Pour que la paix soit durable, il a été ima-giné de renforcer la parenté à plaisanterie. Vous Cissé, votre cousin à plaisanterie d’hier c’est les Keïta. Donc ils ont établi que chaque parenté à plaisanterie peut détendre l’atmosphère sociale. Mieux, ils ont créé des correspondances de noms. Quand vous êtes Diop au Sénégal, au Mandé vous êtes Traoré. Diarra c’est N’Diaye, Dèye c’est Cissoko…
Donc quand on considère que, au point d’origine il y a 1500 Km qui séparent les Mandingues des Wolof, Toucouleurs et Dioula, il faut quand même considérer que c’était là une grande époque où on a pensé à la liberté de circulation et à cette correspondance entre les noms et on a créé ce climat de convivialité. Tout cela se trouve dans la charte de Kourkanfougna qui est allée très loin jusqu’à protéger la nature.
Dans cette charte, il est énoncé qu’il ne faut pas couper inconsidérément les arbres ; les arbres sont notre patrimoine. Alors quand nous avons reconstitué ce texte là, et nous avons vu effectivement sur le terrain jusqu’à présent le reste des institutions mises en place à cette époque là, la parenté à plaisanterie qui s’est amplifiée, en dépassant le cadre mandingue et le cadre de la Sénégambie, l’aire traditionnelle de l’épopée pour s’étendre jusqu’au sud, on s’aperçoit que c’est une grande construction qui a été faite à cette époque. Alors Cheikh Hamidou Kane et moi, nous nous sommes dits qu’il faut théâtraliser cette assemblée qui a énoncé les principes sur lesquels on peut fonder véritablement une union. Ce rappel du passé permet de voir que l’Afrique a de quoi puiser dans son passé comme ressources, et c’est ce qu’on ne fait pas toujours. On nous balance des mots comme diversité culturelle, et tout de suite tout le monde en parle alors que nous sommes en pleine diversité culturelle. Si la diversité culturelle doit être une vérité, qu’on commence à respecter chacune de nos ethnies, chacune de nos langues, à faire leur promotion, à mettre une politique de diversité culturelle
Le Républicain : Vous êtes l’auteur de Soundjata ou l’épopée mandingue. Vous êtes actuellement sur un projet avec Cheikh Hamidou Kane. Que faut-il retenir ?
Djibril Tamsir Niane : Cheikh Hamidou Kane et moi avons en projet de faire une fresque historique qui fait la genèse de ce que nous avons appris, la charte de Kourkanfougna. Après la victoire, en 1235, un an plus tard Soundjata et ses compagnons se sont réunis en un lieu appelé Kourkanfougna, près de Kangaba, au Mali. Ça a été une grande assemblée où l’on a fait venir les représentants de tous les peuples pour essayer de bâtir quelque chose, de consolider la paix. Il a énoncé les principes généraux qui doivent présider aux relations entre langues, entre peuples, entre royaumes. Ce sont ces principes là qu’ils ont pu reconstituer en rassemblant des griots. Ce texte, nous l’avons appelé la charte de Kourkanfougna.
Quels en sont les grands axes ?
Ce qui est important à cette époque, en 1236, comme cela a été énoncé, l’homme doit être libre. C’est là, la première affirmation. La seconde affirmation, nous avons créé un empire, il faut une liberté de circulation des hommes dans cet espace là. C’est formidable qu’à cette époque, que l’on ait pensé à cela. Troisièmement, ils se sont dits si le déplacement est libre, la circulation est libre, il faut que les diplomates qui partent d’un point à un autre soient protégés aussi. Même si le diplomate porte une déclaration de guerre. C’est important que ceci ait été affirmé à cette époque là. Pour que la paix soit durable, il a été ima-giné de renforcer la parenté à plaisanterie. Vous Cissé, votre cousin à plaisanterie d’hier c’est les Keïta. Donc ils ont établi que chaque parenté à plaisanterie peut détendre l’atmosphère sociale. Mieux, ils ont créé des correspondances de noms. Quand vous êtes Diop au Sénégal, au Mandé vous êtes Traoré. Diarra c’est N’Diaye, Dèye c’est Cissoko…
Donc quand on considère que, au point d’origine il y a 1500 Km qui séparent les Mandingues des Wolof, Toucouleurs et Dioula, il faut quand même considérer que c’était là une grande époque où on a pensé à la liberté de circulation et à cette correspondance entre les noms et on a créé ce climat de convivialité. Tout cela se trouve dans la charte de Kourkanfougna qui est allée très loin jusqu’à protéger la nature.
Dans cette charte, il est énoncé qu’il ne faut pas couper inconsidérément les arbres ; les arbres sont notre patrimoine. Alors quand nous avons reconstitué ce texte là, et nous avons vu effectivement sur le terrain jusqu’à présent le reste des institutions mises en place à cette époque là, la parenté à plaisanterie qui s’est amplifiée, en dépassant le cadre mandingue et le cadre de la Sénégambie, l’aire traditionnelle de l’épopée pour s’étendre jusqu’au sud, on s’aperçoit que c’est une grande construction qui a été faite à cette époque. Alors Cheikh Hamidou Kane et moi, nous nous sommes dits qu’il faut théâtraliser cette assemblée qui a énoncé les principes sur lesquels on peut fonder véritablement une union. Ce rappel du passé permet de voir que l’Afrique a de quoi puiser dans son passé comme ressources, et c’est ce qu’on ne fait pas toujours. On nous balance des mots comme diversité culturelle, et tout de suite tout le monde en parle alors que nous sommes en pleine diversité culturelle. Si la diversité culturelle doit être une vérité, qu’on commence à respecter chacune de nos ethnies, chacune de nos langues, à faire leur promotion, à mettre une politique de diversité culturelle