Blandine Sita Annette, une séropositive battante
Contaminée par son mari aujourd’hui décédé, Blandine Sita Annette a choisi de s’afficher séropositive. Objectif de la présidente de l’Association femme plus du Congo (AFPC) : encourager d’autres malades du VIH/Sida à suivre son exemple et à se soigner. Depuis plus de 15 ans, elle mène un double combat au quotidien contre le virus et les préjugés.
Madame Blandine Sita Annette, vous êtes séropositive et présidente de l’Association Femme Plus du Congo (AFPC). Avant de nous en dire plus sur votre association, pouvez-vous nous raconter quand, et dans quelles circonstances, vous avez été contaminée par le VIH sida ?
J’ai été contaminée par le virus du Sida par mon mari, qui était séropositif. Il en est mort.
Avez-vous su de quoi il était malade de son vivant ou après sa mort ?
Je l’ai plutôt appris après son décès. Ma belle-famille savait qu’il était séropositif, mais elle me l’a caché... Ce n’est qu’après, quand je suis restée seule, alors que j'étais souvent malade, que je me suis dit que quelque chose n’allait pas.
Vous avez donc décidé de faire le test de dépistage du VIH/Sida ?
Je suis allée dans un hôpital de base de notre pays pour faire le test. Le médecin était ahuri de voir une femme demander cela, mais il me l’a accordé. Je suis donc allée dans un laboratoire de grande renommée de notre pays. Les résultats ont trainé pendant plus d’un mois ! C’était en quelque sorte un jeu de ping-pong... Je continuais à souffrir et à maigrir. Alors, je me suis fâchée, je devais connaître mon état sérologique ! Un assistant sanitaire m'a emmenée au centre de traitement ambulatoire (CTA) de la Croix-Rouge française chez nous. J'ai refait mon test. C'est là que j’ai connu mes résultats.
C’était en quelle année, maman Sita ?
En 1999 ou en 2000, je crois.
Et depuis, comment luttez-vous contre cette maladie au quotidien ?
Au CTA, d’emblée, les assistantes sociales m’ont prise en charge médicalement et psychologiquement, de telle sorte que je ne sois pas trop affaiblie. Par ailleurs, j'ai suivi des formations d’accompagnement psychologique. J’ai aussi été dans des conférences internationales sur le VIH/Sida. C’est en participant à ces différentes formations et séminaires, que je me suis dit que je n'étais pas seule dans cette pathologie. Ces formations ont également fait en sorte que je connaisse notamment les modes de transmission du VIH.
Comment faites-vous pour vous soigner au quotidien ?
Chaque mois, j’ai un rendez-vous au CTA avec mon médecin traitant. Et, chaque trimestre, je fais un bilan pour contrôler certains organes de mon corps, tels que mes reins, mon foie. Tous les six mois, on contrôle ma charge virale pour voir comment le traitement réagit dans mon corps. Ces contrôles m'aident à bien suivre mon traitement.
Pourquoi avez-vous choisi de vous afficher publiquement comme séropositive ?
Il y avait beaucoup de décès liés au VIH/Sida... En 2004, j'ai donc décliné en public mon état sérologique pour la première fois. Dans ma famille c’était grave ! Les gens avaient du mal à accepter cela, de même du côté de ma belle-famille. Pour elle, je jetais le discrédit sur leur parent. Pourtant, je n’avais pas parlé de la séropositivité de mon mari. J’ai été obligée de repartir vers ma belle-famille pour leur dire de ne plus me voir comme la veuve untelle… Je leur ai expliqué que j'avais repris mon nom de jeune fille, celui donné par mon père : Sita. Avant, je portais le nom de mon défunt mari.
Et maintenant quelle sont les réactions de ces personnes face à votre décision ?
C'est mon corps, qu’est-ce qu’elles peuvent dire ? Je suis allée voir ma belle-sœur. Je lui ai donné mon témoignage, à savoir qu'elle ne pourra jamais m’effacer l'idée que j'ai en tête. Je me dis en effet qu'étant séropositive, là où je suis assise, non loin de moi, quelqu’un souffre et a besoin de mon témoignage. Certains pensent que parce qu'ils sont séropositifs, c’est la fin, ils ne sont plus rien... Un ancien collègue, professeur de lycée, est mort bêtement parce qu’il ne voulait pas se faire soigner ! Il avait trop honte. Dans les medias, les gens me voient tel que je suis. Ils se disent : "Voilà une séropositive. Si je prends correctement mon traitement, je serai comme cette femme."
Pouvez-vous nous donner des exemples de stigmatisations courantes ?
Il y en a malheureusement beaucoup ! Dans notre siège, nous avons logé six femmes et leurs enfants rejetés par leurs familles. Moi-même, j’ai été stigmatisée à mon travail. J’ai même failli être mutée ailleurs. La note était déjà sortie. N’eut été l’implication de responsables de la lutte contre le VIH, j'aurais dû partir, parce qu’on m’avait vue à la télé dire que j’étais séropositive.
Vous avez participé à l’élaboration du décret n° 30 -2011 du 3 juin 2011 portant lutte contre le VIH/Sida et protection des droits des personnes vivant avec le VIH.
Après un atelier sur cette question, j’ai bénéficié d’un plaidoyer avec les femmes parlementaires sur l’élaboration de ce projet de loi. En cas de discrimination avérée il y a des peines de prison de 3 à 6 mois et des amendes de 100 à 300 000 Fcfa (de 150 à 450 €, art.47*).
Quel est votre avis sur l’intégration récente d’un volet VIH/SIDA dans les programmes scolaires ?
Cette initiative est la bienvenue ! Prenons l’exemple de ma petite-fille. A 8 ans, elle sait que "mémé" est séropositive. Quand elle voit qu’il est 21 heures, elle dit : "Mémé, ton médicament !" Elle sait que je dois me soigner pour survivre. Et, quand elle voit une lame de rasoir traîner, elle me dit : "Mémé tu vois la lame là ? Quelqu’un peut attraper le Sida avec !" Les programmes comme ça à l’école, ne peuvent être que les bienvenus pour que l’enfant, dès le bas âge, connaisse ce qu'est le Sida.
Jusqu’à quand vous battrez-vous pour défendre les séropositives ?
Comment pouvez-vous me parler de la durée de notre combat ? La lutte est perpétuelle ! Nous ne pouvons pas l’arrêter, car nous n’avons pas encore trouvé un médicament qui tue le VIH/Sida ! Aujourd'hui, la femme est donc toujours exposée. Pour la cause de la femme, nous nous battrons toujours. Pour la cause de l’enfant nous combattrons également !
* http://www.sgg.cg/imageProvider.asp?private_resource=1174&fn=jo_2011_24.pdf
Flaure Tchicaya
Madame Blandine Sita Annette, vous êtes séropositive et présidente de l’Association Femme Plus du Congo (AFPC). Avant de nous en dire plus sur votre association, pouvez-vous nous raconter quand, et dans quelles circonstances, vous avez été contaminée par le VIH sida ?
J’ai été contaminée par le virus du Sida par mon mari, qui était séropositif. Il en est mort.
Avez-vous su de quoi il était malade de son vivant ou après sa mort ?
Je l’ai plutôt appris après son décès. Ma belle-famille savait qu’il était séropositif, mais elle me l’a caché... Ce n’est qu’après, quand je suis restée seule, alors que j'étais souvent malade, que je me suis dit que quelque chose n’allait pas.
Vous avez donc décidé de faire le test de dépistage du VIH/Sida ?
Je suis allée dans un hôpital de base de notre pays pour faire le test. Le médecin était ahuri de voir une femme demander cela, mais il me l’a accordé. Je suis donc allée dans un laboratoire de grande renommée de notre pays. Les résultats ont trainé pendant plus d’un mois ! C’était en quelque sorte un jeu de ping-pong... Je continuais à souffrir et à maigrir. Alors, je me suis fâchée, je devais connaître mon état sérologique ! Un assistant sanitaire m'a emmenée au centre de traitement ambulatoire (CTA) de la Croix-Rouge française chez nous. J'ai refait mon test. C'est là que j’ai connu mes résultats.
C’était en quelle année, maman Sita ?
En 1999 ou en 2000, je crois.
Et depuis, comment luttez-vous contre cette maladie au quotidien ?
Au CTA, d’emblée, les assistantes sociales m’ont prise en charge médicalement et psychologiquement, de telle sorte que je ne sois pas trop affaiblie. Par ailleurs, j'ai suivi des formations d’accompagnement psychologique. J’ai aussi été dans des conférences internationales sur le VIH/Sida. C’est en participant à ces différentes formations et séminaires, que je me suis dit que je n'étais pas seule dans cette pathologie. Ces formations ont également fait en sorte que je connaisse notamment les modes de transmission du VIH.
Comment faites-vous pour vous soigner au quotidien ?
Chaque mois, j’ai un rendez-vous au CTA avec mon médecin traitant. Et, chaque trimestre, je fais un bilan pour contrôler certains organes de mon corps, tels que mes reins, mon foie. Tous les six mois, on contrôle ma charge virale pour voir comment le traitement réagit dans mon corps. Ces contrôles m'aident à bien suivre mon traitement.
Pourquoi avez-vous choisi de vous afficher publiquement comme séropositive ?
Il y avait beaucoup de décès liés au VIH/Sida... En 2004, j'ai donc décliné en public mon état sérologique pour la première fois. Dans ma famille c’était grave ! Les gens avaient du mal à accepter cela, de même du côté de ma belle-famille. Pour elle, je jetais le discrédit sur leur parent. Pourtant, je n’avais pas parlé de la séropositivité de mon mari. J’ai été obligée de repartir vers ma belle-famille pour leur dire de ne plus me voir comme la veuve untelle… Je leur ai expliqué que j'avais repris mon nom de jeune fille, celui donné par mon père : Sita. Avant, je portais le nom de mon défunt mari.
Et maintenant quelle sont les réactions de ces personnes face à votre décision ?
C'est mon corps, qu’est-ce qu’elles peuvent dire ? Je suis allée voir ma belle-sœur. Je lui ai donné mon témoignage, à savoir qu'elle ne pourra jamais m’effacer l'idée que j'ai en tête. Je me dis en effet qu'étant séropositive, là où je suis assise, non loin de moi, quelqu’un souffre et a besoin de mon témoignage. Certains pensent que parce qu'ils sont séropositifs, c’est la fin, ils ne sont plus rien... Un ancien collègue, professeur de lycée, est mort bêtement parce qu’il ne voulait pas se faire soigner ! Il avait trop honte. Dans les medias, les gens me voient tel que je suis. Ils se disent : "Voilà une séropositive. Si je prends correctement mon traitement, je serai comme cette femme."
Pouvez-vous nous donner des exemples de stigmatisations courantes ?
Il y en a malheureusement beaucoup ! Dans notre siège, nous avons logé six femmes et leurs enfants rejetés par leurs familles. Moi-même, j’ai été stigmatisée à mon travail. J’ai même failli être mutée ailleurs. La note était déjà sortie. N’eut été l’implication de responsables de la lutte contre le VIH, j'aurais dû partir, parce qu’on m’avait vue à la télé dire que j’étais séropositive.
Vous avez participé à l’élaboration du décret n° 30 -2011 du 3 juin 2011 portant lutte contre le VIH/Sida et protection des droits des personnes vivant avec le VIH.
Après un atelier sur cette question, j’ai bénéficié d’un plaidoyer avec les femmes parlementaires sur l’élaboration de ce projet de loi. En cas de discrimination avérée il y a des peines de prison de 3 à 6 mois et des amendes de 100 à 300 000 Fcfa (de 150 à 450 €, art.47*).
Quel est votre avis sur l’intégration récente d’un volet VIH/SIDA dans les programmes scolaires ?
Cette initiative est la bienvenue ! Prenons l’exemple de ma petite-fille. A 8 ans, elle sait que "mémé" est séropositive. Quand elle voit qu’il est 21 heures, elle dit : "Mémé, ton médicament !" Elle sait que je dois me soigner pour survivre. Et, quand elle voit une lame de rasoir traîner, elle me dit : "Mémé tu vois la lame là ? Quelqu’un peut attraper le Sida avec !" Les programmes comme ça à l’école, ne peuvent être que les bienvenus pour que l’enfant, dès le bas âge, connaisse ce qu'est le Sida.
Jusqu’à quand vous battrez-vous pour défendre les séropositives ?
Comment pouvez-vous me parler de la durée de notre combat ? La lutte est perpétuelle ! Nous ne pouvons pas l’arrêter, car nous n’avons pas encore trouvé un médicament qui tue le VIH/Sida ! Aujourd'hui, la femme est donc toujours exposée. Pour la cause de la femme, nous nous battrons toujours. Pour la cause de l’enfant nous combattrons également !
* http://www.sgg.cg/imageProvider.asp?private_resource=1174&fn=jo_2011_24.pdf
Flaure Tchicaya