Gouvernement Sassou IV Veillée d’armes à Brazzaville
Après son discours d’investiture prononcé le 14 août dernier au palais du parlement, en présence de nombreux chefs d’Etat étrangers qui ont assisté le lendemain 15 août aux festivités commémoratives du 40ème anniversaire de l’indépendance de son pays, Denis Sassou Nguesso est attendu sur la formation et la publication de son nouveau gouvernement.
Partira ou ne partira pas ? Les supputations vont bon train dans la capitale congolaise rive gauche. NTIC obligent, des listes circulent sur Internet à ce sujet.Vraies ou fausses, le dernier mot revient au président réélu. Denis Sassou-Nguesso, qui abhorre agir sous la pression, prend son temps et pourrait, selon de bonnes sources, publier son nouveau gouvernement vers la fin de la semaine. Lundi 17 août, un conseil des ministres plutôt bref était convoqué, avec pour unique ordre du jour la démission du gouvernement. Dans l’attente de la nouvelle équipe, un événement qui agite toujours le microcosme politique congolais, Brazzaville retient son souffle. Malgré la saison sèche, une lourde atmosphère tombée sur la ville comme une chape de plomb fait penser à une veillée d’armes. Chargés depuis un peu plus d’un mois d’expédier les affaires courantes, les ministres ont les nerfs à vif et cachent mal leur anxiété ; ils redoutent par-dessus tout de perdre leur poste vécu comme une « rente de situation ». Certains se sentiraient particulièrement visés par les propos tenus par Denis Sassou-Nguesso lors de sa prestation de serment. « Je ne surprends personne en affirmant qu'en dépit de nos efforts multiformes, notre pays n'est pas encore, hélas, exempt de corruption, de concussion, de fraude, de détournement de deniers publics et d'autres actes tout autant répréhensibles que néfastes à l'accomplissement du bonheur collectif. Ici, ce sont les gouvernants qui sont interpellés. Qu'il soit clair pour tous que le peuple ne veut pas et ne doit pas être conduit sur le « Chemin d'avenir » par des dirigeants sans scrupule ni vertu (…) Parmi les premières attentes de notre peuple, il y a l'espoir que s'arrête rapidement la dérive morale qui est en train de gangrener notre société. Je veillerai donc avec davantage de rigueur à ce que les personnes que je nomme aux différentes fonctions d'État soient exemplaires et de bonne éthique (…) Tout manquement, toute faiblesse m'amènera à en tirer les conséquences (…) », a-t-il dit notamment.En introduisant la dimension éthique dans le profil de ses futurs ministres et des hauts fonctionnaires de l’Etat, Sassou tirerait déjà les conséquences des divers manquements et autres faiblesses ayant émaillé jusqu’alors la gouvernance publique. Dans le passé, il avait cru y pallier par le recours au rajeunissement de la classe politique.Sous l’influence, dit-on, de certains membres de sa famille « biologique », il avait favorisé l’entrée au gouvernement de jeunes loups forts en gueule. Un septennat après, aucun changement ni amélioration, sinon la pratique à large échelle et à ciel ouvert de la « prédation » du bien public. L’éthique s’étant révélée le cadet des soucis des nouveaux dirigeants. « Dans la pratique, les jeunes se sont révélés plus prédateurs que les vieux », affirme Ernest Ndalla Graille, conseiller spécial du président de la République. Cette analyse de la situation faite par les anciens compagnons de Denis Sassou Nguesso expliquerait aujourd’hui la primauté à la dimension éthique sur la jeunesse. La composition du nouveau gouvernement, qui devrait s’en ressentir, est donc un signal fortement attendu pour jauger « concrètement » l’engagement de Sassou pour la moralisation de la vie publique. Renvoyé aux calendes grecques, le rajeunissement de la classe politique comme remède à la mauvaise gestion semble avoir vécu. Pire, racontent les mauvaises langues : les chances de tous ceux qui prétendaient revendiquer leur condition de « jeunes » comme passe droits ont été « brûlées ». Et le bon vieux discours de conflit des générations qui a longtemps servi de fonds de commerce pour entrer au gouvernement transformé en chimère. Las ! Face à la déferlante qui s’annonce, certains ne trouvent pas mieux que rappeler le vieil adage populaire selon lequel « le poisson pourrit toujours en commençant par la tête. » Prosper MOKABI DAWA